Le problème de l’utilisation des tests en psychologie du travail se pose essentiellement au niveau du recrutement. En effet, même si les psychologues semblent désormais avoir droit de cité dans les entreprises (un certain nombre de petites annonces sollicitent désormais des psychologues du travail ; ce n’était pas le cas il n’y a encore que quelques années), ils sont encore loin d’être majoritaires dans le secteur du recrutement et ce pour des raisons « historiques » qu’il est inutile de rappeler encore une fois ici.
Si on excepte le recrutement des « métiers à risques » qui peuvent nécessiter l’emploi de techniques cliniques, la demande de testing de la part des entreprises se situe essentiellement à trois niveaux :
– questionnaire de personnalité ;
– questionnaire d’aptitudes cognitives (« intelligence ») ;
– et, dans une moindre mesure, questionnaire d’intérêts et valeurs, test d’aptitudes psychomotrices et test de connaissances.
Dans le passé, face à cette demande et au refus des maisons d’éditions de tests de vendre à des non-psychologues, on a pu voir se développer un certain nombre de pratiques posant problème :
– utilisation de méthodes sans fondements scientifiques telles que la graphologie ou la psycho-morphologie, voire sans fondement du tout : numérologie, astrologie, groupe sanguin…
– apparition sur le marché de pseudo-tests ne correspondant en aucun cas aux critères minima attendus d’une technique psychométrique ;
– utilisation par des non-psychologues de « vrais » tests récupérés à droite ou à gauche, plagiat de tests existants, « photocopillage »…
A l’heure actuelle, même si davantage d’entreprises se posent sérieusement des questions sur la validité de leurs procédures de recrutements, bon nombre des problèmes évoqués ci-dessus restent d’actualité.
Face à cette situation, quelles réponses apporter ?
Avant toute chose, il faut préciser que d’un point de vue purement légal, le seul texte réglementant l’évaluation dans le cadre professionnel, est la loi du 31 décembre 1992.
Pour ce qui nous occupe ici, ce texte précise seulement que « les méthodes et les techniques d’aide au recrutement ou d’évaluation des salariés et des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie » et que « le recours à des techniques présentant une marge d’erreur importante ne serait pas conforme à l’obligation de pertinence imposée par la loi » (il est à remarquer que le législateur ne précise en aucun cas la qualification de l’évaluateur).
Par ailleurs, si le titre de psychologue est reconnu par la loi, celle-ci ne réglemente en aucun cas l’utilisation des tests. En d’autres termes, rien n’empêche un non-psychologue d’utiliser des tests et les maisons d’édition pourraient être attaquées en justice pour refus de vente.
Le problème étant ainsi bien posé, trois solutions sont possibles :
1) Laisser la situation en l’état.
2) Considérer que l’utilisation de tests (passation, correction, interprétation, communication des résultats) est un acte psychologique. Elle est inséparable d’une formation en psychologie donnant le titre de psychologue. Si on adopte cette position, cela conduit à faire adopter une réglementation restreignant l’utilisation des tests aux psychologues.
3) Concevoir que l’utilisation des tests puisse être dissociée d’un cursus complet en psychologie. Cela implique de définir les compétences des utilisateurs en fonction de leur curriculum (un travailleur social, un diplômé en psychologie, un diplômé d’une école de gestion n’ont pas les mêmes acquis et les mêmes besoins) et des tests (les tests de connaissances, les tests d’aptitudes, les questionnaires de personnalité qui n’exigent pas tous la même formation). Ceci pose également le problème de la validation des acquis.
Qu’impliquent les deux dernières solutions :
Pour la première, il s’agit avant tout que la profession s’implique dans des actions aboutissant à des décisions réglementaires et juridiques, comme elle l’a fait pour le titre de Psychologue. Mais il faut également que l’enseignement des théories et des pratiques psychométriques soit obligatoire et harmonisé dans tous les cursus de psychologie.
La deuxième solution implique, à notre avis, plusieurs choses :
a) que la personne souhaitant utiliser des tests soit impliquée dans la fonction RH et réponde à un certain nombre d’exigences (cf. point 3) ;
b) qu’elle suive dans un premier temps une formation, sanctionnée par un « examen », à la psychométrie ;
c) qu’elle suive pour chaque test une formation spécifique sanctionnée par un « examen », avec « piqûre de rappel » régulière ;
d) qu’elle s’engage à respecter le code de déontologie des psychologues, même si elle ne possède pas le titre, sous peine de se voir retirer son habilitation ;
e) que le contenu de la formation soit défini par des psychologues (ex: AEPU) ou, pour les formations spécifiques, par les auteurs eux-mêmes ;
f) que la formation soit assurée par des psychologues ou par l’auteur et ce dans un cadre institutionnel (ex: Université et/ou associations de psychologues dans le cadre de la formation permanente).